12 juin 2020

Edito de Jean-Alain Divanac’h, Président de la FDSEA

 

 

A quand des avantages compétitifs pour les agriculteurs français ?

 

Le 20 mai dernier, la Commission européenne a publié deux stratégies majeures pour le monde agricole. La première, « De la ferme à la fourchette », a pour objectif de rendre plus durable le système alimentaire européen, en réduisant son empreinte environnementale et climatique. La seconde stratégie concerne la biodiversité ; elle fixe notamment, à l’horizon 2030, des objectifs élevés de réduction de pesticides (-50%) et de fertilisants (-20%).

 

Pour atteindre ces objectifs, et dans le cadre du plan de relance européen suite à la crise du COVID-19, la Commission a annoncé une augmentation du budget de la PAC de plus de 20 milliards d’euros. Ces avancées budgétaires montrent que l’agriculture fait partie intégrante de la stratégie d’investissement du « monde d’après ». La sécurité alimentaire du continent européen est redevenue une priorité, certes teintée de vert… En tant qu’agriculteurs bretons et finistériens, habitués au rouleau compresseur des contraintes administratives franco-françaises, toute initiative environnementale tend à nous braquer. Quel crédit accorder aux propos du vice-président de la Commission européenne, qui ne considère pas « cette transition comme une menace mais au contraire comme un avantage compétitif » ? D’autres Etats membres comme l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Espagne, etc ne se privent pas d’optimiser les fonds européens, voire même leurs propres fonds nationaux ou régionaux, pour donner toujours plus de compétitivité à leur agriculture. La Bavière, via son programme de maintien du paysage culturel (oui, oui !), accorde une prime pour le pâturage d’été de 50 € par UGB et par mois, pour 4 mois maximum par an, sans plafonnement ! Un producteur de lait avec 100 UGB et 7 hectares de prairies peut percevoir jusqu’à 20 000 € ! On comprend mieux pourquoi les producteurs allemands peuvent se permettre de dévisser sur le prix… Les motivations politiques ne sont décidément pas les mêmes d’un côté et de l’autre du Rhin.

 

L’administration et les élus politiques français prêtent volontiers une oreille attentive aux lobbies « environnementaux » et acceptent d’être sous leur influence. Alors que l’abattoir « Kermené » était à l’arrêt en raison du COVID-19, et que la préfète de région conduisait une réunion de crise, elle a affirmé qu’ « au moindre grain de sable la filière porcine était incapable de s’en sortir ». Le COVID-19, un grain de sable, vraiment ? Visiblement, les filières agricoles ne risquent pas de bénéficier de la même considération qu’Air France ou Renault. Quand le Président de la République vient en Finistère louer les efforts du monde agricole pendant la crise sanitaire, l’Etat en région nous méprise et nous traite avec arrogance. Il est pourtant évident qu’en France nous traînons des boulets, là où d’autres Etats donnent des accélérateurs à leurs agriculteurs. De la même manière, il n’y a qu’en France que le monopole et le diktat de la grande distribution sont aussi toxiques pour le maillon production.

 

L’Europe donne l’opportunité d’investissements innovants et stratégiques pour la pérennité de nos exploitations. Les acteurs agricoles bretons ont la responsabilité de s’organiser pour porter auprès des élus politiques des projets qui concilient compétitivité et durabilité de notre secteur. Nos exploitations familiales bretonnes payent cher le dogmatisme et l’idéologie décroissante de beaucoup de décideurs de notre pays. A ce compte-là, nous aurons du mal à relever le défi de l’indépendance alimentaire.