17 mars 2020

Edito de Jean-Alain Divanac’h, Président de la FDSEA

 

 

Une chance historique de revaloriser l’acte de production !

 

Depuis le début de la crise du COVID 19, l’agriculture retrouve ses lettres de noblesse. Citoyens et pouvoirs publics redécouvrent de concert le bien essentiel qu’est l’alimentation, et l’enjeu pour la France de disposer de sa souveraineté alimentaire. Les Français ont la hantise de rayons alimentaires vides. Une multitude de bras se propose pour travailler aux côtés des agriculteurs. Les produits agricoles français sont plébiscités dans les rayons de la GMS. Cette même distribution qui exigeait il y a peu la montée en gamme, la délaisse aujourd’hui au profit de biens alimentaires essentiels qui répondent aux exigences de quantité et de qualité, mais qui ont leurs propres coûts de production. Pour nous, agriculteurs, c’est non seulement une juste reconnaissance de notre métier, de notre travail et de nos efforts, mais aussi une revalorisation de l’acte alimentaire. La question est aujourd’hui très simple : allons-nous passer à côté de cet effet levier et du juste retour économique dont nous devrions logiquement bénéficier ? On peut toujours se laisser bercer d’illusions sur le « plus rien ne sera comme avant » ; il n’en reste pas moins que, même en cette période où les biens alimentaires sont reconnus comme essentiels, le maillon production reste la variable d’ajustement de l’aval ! Dans le secteur laitier, l’interprofession a validé un dispositif de compensation financière destiné à écrêter le pic de production printanier. Ni une ni deux, presque tous les industriels ont profité de cet effet d’aubaine pour affirmer qu’ils devaient faire face à un excès de lait, et en conséquences baisser le prix du lait. Encore une fois, la grande coopérative Sodiaal a donné le « la » dans la filière. Les industriels privés ont emboîté le pas, quitte pour certains à piétiner les contrats avec les OP. Pour dire les choses poliment, les industriels se raccrochent à « l’environnement ». Pour dire les choses sans langue de bois : les producteurs de lait sont victimes d’un cartel et subissent une double peine sur les prix et sur les volumes, avec le risque supplémentaire d’ouvrir nos marchés aux importations.

 

En viande bovine, la situation est tout aussi ubuesque. Alors que la production française est tirée vers le haut par la consommation, le prix payé au producteur est honteusement bas ! Avec la fermeture des marchés de la RHF et les difficultés sur l’export, le poids de la grande distribution est encore renforcé et la pression toujours plus forte sur le maillon production.

 

Les pouvoirs publics n’ont pas le droit de laisser les agriculteurs passer à côté de cette chance historique de revaloriser la production agricole en même temps que l’acte alimentaire. Aujourd’hui, c’est aux autorités de concurrence et au ministère de l’économie de siffler la fin de la récréation en brandissant toutes les menaces, et en les mettant à exécution si nécessaire. La crise du COVID 19 ne saurait devenir un prétexte pour légitimer les abus dans les filières agricoles, au détriment des producteurs.

 

Oui, l’agriculture est un secteur stratégique. C’est aussi un sujet professionnel, où l’idéologie relève de l’inconscience et menace concrètement la sécurité alimentaire. Il n’y aura pas de production alimentaire digne de ce nom en France sans le préalable d’une juste rémunération des producteurs. Plus rien ne sera comme avant, à condition que la France et l’Europe donnent à l’agriculture les moyens d’une ambition collective pour assurer la souveraineté alimentaire.